Le Puy-en-Velay

Jules Vallès vécut au Puy en Velay pendant une grande partie de son enfance. Par ses écrits, il nous fait découvrir « l’esprit » de la ville à cette époque. Pour mieux saisir et comprendre à quoi ressemblait la ville durant l’enfance de Jules Vallès voici la transcription d’un texte tiré du « Dictionnaire géographique, historique, industriel et commercial de toutes les communes de la France ». Cet ouvrage fut publié en 1844, date à laquelle Vallès vit le jour au Puy :

« La ville du Puy est bâtie en amphithéâtre sur le versant méridional du mont anis, que couronne le rocher basaltique de Corneille à la jonction de trois belles vallées qu’arrosent la Loire, la Borne, le Dolaison. L’aspect de cette ville est d’un effet très pittoresque. L’énorme masse du mont Corneille, recouverte d’édifices jusqu’à sa base, est ceinte vers le haut par le joli bois du séminaire. Ce rocher, couronné par les ruines de l ‘antique château qui porte son nom, s’élève avec majesté au point d’embranchement des riches vallons du Dolaison et de la Borne (…).

Le Puy-en-Velay en 1840

Quel que soit le côté par où l’on y arrive, la ville offre un aspect agréable : bâtie sur la pente du mont Corneille, dont le sommet est couronné par la cathédrale, surmontée elle-même par les crêtes déchirées du roc volcanique, elle présente différents étages de maisons à façades blanchies, à toits de tuiles rouges et courbes. Mais cette cité si jolie en perspective, ne gagne pas à être vue intérieurement. Les rues en sont mal percées, étroites, malpropres et dans la partie haute inaccessible aux voitures : elles sont pavées avec les débris de la brèche volcanique de Corneille, et les pluies, la glace ou la sécheresse les rendent plus ou moins désagréables, glissantes, et même dangereuses quand on n’a pas l’habitude de les parcourir.

La cathédrale du Puy, située sur la partie la plus haute de la ville, est un édifice remarquable par la hardiesse et la bizarrerie de sa construction et par l’effet pittoresque de sa façade. On remarque encore au Puy : l’église St Laurent, située dans la ville basse ; la préfecture, bâtiment neuf d’un fort bon style, élevé sur la place du Breuil (…).

Fabriques importantes de dentelles, de tulles de fil, de dentelles et blondes noires, de couvertures de laine, étoffes communes, outres à vin. Fonderie de grelots. Clouterie. Tanneries. Moulin à foulon. Teintureries. Commerce de grains (…). »

Ce texte nous donne une idée de la perception que nous pouvons avoir de la ville du Puy en 1832.

Mr de Ribier dans l’ouvrage d’Ulysse Rouchon ajoute quelques traits à ce croquis :

« Le Puy si joli en perspective, ne gagne pas à être vu dans son intérieur. Les rues en son mal pavées, étroites, peu propres et d’une pente inaccessible aux voitures dans une partie de la haute ville… »

« Sous le rapport de la salubrité, il est peu de villes qui laissent davantage à désirer. Le plus grand nombre de rues est presque toujours couvert d’immondices les plus dégoûtantes, et la faute ne doit pas en être attribuée à la négligence de la police locale. Des quartiers, presque en totalité, sont privés de fosses d’aisance ; aucune construction publique n’a été faite pour y suppléer : on devine dès lors quelle est la suite d’un pareil défaut de précautions. »

A cela Ulysse Rouchon cite un article du journal La Haute-Loire du 3 mars 1832 :

« Par arrêté de Mr le Maire, il est recommandé à tous les propriétaires et habitants de cette ville de nettoyer les rues, caves et basses-cours ; de n’y souffrir aucun dépôt de fumier, immondices et substances capables de produire des émanations délétères. Il n’est pas douteux que chacun se conformera aux mesures prescrites par l’autorité, surtout au moment où nous avons à craindre l’invasion d’une maladie épidémique et contagieuse et notamment du choléra, dont nous pouvons nous soustraire à ces atteintes par une extrême propreté. »

On peut ajouter qu’il n’y avait pas alors de chemin de fer, pas de journaux de l’extérieur. Il fallait presque deux semaines en diligence pour arriver de Paris, et ceux qui en revenaient étaient montrés du doigt comme des phénomènes.

Voilà a quoi devait ressembler le Puy en Velay lorsque Jules Vallès vint au monde le 11 juin 1832.

Le 19éme siècle fut un siècle de mutations pour la ville du Puy du fait de l’urbanisation importante qui eut lieu. L’exode rural de ce siècle va profiter à la ville du Puy. Alors que le déclin démographique se produit dans certaines communes dès la première moitié du XIXème siècle et qu’il atteint l’ensemble du département à partir de 1886, la ville du Puy, elle, ne cesse de voir sa population augmenter :

  • En 1806 : 12 318 habitants
  • En 1821 : 14 844 "
  • En 1826 : 14 998 "
  • En 1851 : 15 723 "
  • En 1856 : 16 666 "
  • En 1861 : 17 015 "
  • En 1866 : 19 532 "
  • En 1891 : 20 000 "
  • En 1906 : 21 000 "
Le Puy-en-Velay

Cette progression démographique est soutenue par des progrès économiques moins spectaculaires qu’utiles. Les industries locales, cuir, textiles, très proches du milieu agricole par leur matière première et par l’origine ou la résidence de leur main-d’œuvre, furent touchées par les crises générales de 1848 et 1876 mais elles ont gardé leur activité et leur organisation familiale.

La ville du Puy était animée et colorée. Elle possédait plusieurs centres ; les deux places qui encadrent la mairie, mais aussi hors des anciens remparts l’ancienne prairie du Breuil. En y construisant la préfecture (1822-1826) les pouvoirs publics semblèrent choisir d’édifier une place monumentale, à la mesure du Puy. C’est dans ce sens que furent construits ensuite le Palais de Justice (1836) et plus tard le théâtre (1893). La vieille ville du Puy souvent décrite comme somnolente, délaissée et souvent puante fut aménagée par Henri Vinay (1821-1881) qui mit en place les premiers égouts, élargit plusieurs rues commerçantes, augmenta la capacité des canalisations d’eau dans le souci d’aérer et d’ouvrir la vieille ville. Il a commencé par y faire des percées et autour des allées "du fer à cheval" il fait planter un jardin public.

Le centre de la vie sociale s’est déplacé vers le sud et vers la vallée : les faubourgs se sont peuplés et les bourgeois se sont habitués à y résider. La vieille ville ne dépérit pas mais la place y est rare.

Quatre places forment les lieux d’animation : intra-muros, le Martouret et le Plot de chaque côté de la Mairie et hors de la ville la place du Breuil et la place Michelet ; le jardin public les complète vers le sud . Sur ces places avaient lieu les manifestations officielles: processions, réceptions, revues , les foires expositions, la fête foraine de Toussaint, le Carnaval, … .

La ville du Puy restait une ville vivante ou la progression du nombre d’habitants va faire croître les habitations pour faire naître une agglomération.